Le développement du projet Simandou offre à la Guinée une opportunité unique d’exploiter les moteurs économiques. Quoique important, ce projet génère des impacts environnementaux considérables dans la construction du port en eau profonde à Moribaya, dans la préfecture de Forécariah.
Le projet Simandou est sans précédent pour la Guinée, non seulement par sa taille et sa complexité, mais aussi par la menace qu’il représente pour l’environnement et les droits des communautés locales. Le coût du projet avoisine 14 milliards de dollars américains avec un bénéfice estimé à plus de quinze (15) milliards de dollars pour l’Etat guinéen durant 25 ans (selon le rapport de suivi des impacts environnementaux du projet simandou réalisé par l’ONG action mines Guinée disponible sur le www.actionminesguinee.org.
Avec les derniers développements, le projet est en phase de se concrétiser grâce notamment à la signature de l’accord cadre tripartie entre l’Etat et les deux entreprises, à la création de la Compagnie du Trans Guinéen (CTG) pour le compte des infrastructures et la signature du pacte d’actionnariat.
En ce début d’activité, le projet affecte déjà l’environnement et les droits de l’homme sur plusieurs aspects. Sur le plan environnemental, il faut citer la destruction du couvert végétal, la pollution des cours d’eau et de l’air. Sur le plan socio-économique, il y a la perte des moyens de subsistance des communautés notamment les terres cultivables et la diminution significative de la production agricole des communautés riveraines. La rédaction de votre quotidien guineeline.net s’est rendue à Moribayah où se trouve les installations portuaires pour s’enquérir des réalités de cette dégradation environnementale.
Les constats sur le terrain révèlent, la destruction du couvert végétale, les fissures des maisons ainsi que la destruction de plusieurs filets de pêches empêchant les pêcheurs de vaquer à leur activité quotidienne et qui entraîne une perte de revenu. Cependant même si les impacts sont visibles, les mesures de réparations proposées par l’entreprise sont jugées insuffisantes par certains acteurs de la localité.
Mobilisé en comité de suivi des impacts, les communautés riveraines du projet simandou identifient et documentent les impacts des travaux de construction sur leurs localités respectives. L’un de ces leaders communautaires explique les raisons de la création de leur comité.
“Le comité de suivi des impacts environnementaux du projet Simandou dans la préfecture de Forécariah a été créé à la suite du démarrage des activités du projet dans notre localité. Notre comité de suivi documente les impacts des activités et produit des rapports trimestriels. Ces rapports sont publiés chaque trimestre. Le deuxième du genre date de mars 2024 à Singuelén, localité abritant le port du projet”, a expliqué Ousmane Youla, leader communautaire.
Ibrahima Sory Kourouma acteur de la société civile et responsable de projet dans une ONG qui accompagne techniquement ces comités de suivi donne quelques précisions. « Dans le cadre de la construction du port à Senguelen jusqu’ici nous avons identifié des impacts liés à la perte des domaines cultivables de la destruction de filets de pêches et des fissures de maisons dû au dynamitage ainsi que la destruction du couvert végétale », explique-t-il.
Poursuivant son intervention, Monsieur Kourouma précise « grâce à nos activités sur le terrain, aujourd’hui nous sommes en contact avec les deux entreprises même si par endroit le traitement de certains impacts prend beaucoup plus de temps que prévu dans la procédure de gestion des plaintes de l’une des entreprises qu’est Winning Consortium Simandou. Actuellement, certains impacts ont été inventoriés par Rio Tinto et attendent d’être traités ».
Le problème persiste encore au niveau du port où la destruction du couvert végétal est visible, déplore Monsieur Kourouma. Il lance un appel aux deux entreprises pour mettre en place des solutions durables afin de protéger l’écosystème et les droits humains.
Ousmane Youla, responsable du comité de suivi et leader communautaire de la préfecture de Forécariah explique que “les impacts environnementaux de la construction du port son visible sur les communautés riveraines, notamment la perte de moyen de subsistance, la fissure de nos maisons dû au dynamitage, la destruction des filets de pêches ainsi que le déversement de la boue sur nos plaines agricoles”. Poursuivant, il dit avoir mis “la pression sur les entreprises à travers la documentation des impacts qu’ils effectuent chaque trimestre” avec son équipe afin que les entreprises prennent leur responsabilité.
« Malheureusement, parfois dans le cadre des impacts que nous avons identifiés certaines communautés demandent plutôt à l’entreprise d’évaluer les impacts en argent à la place du traitement de l’impact » déplore Monsieur Youla. “Pour le bien de tous, nous laissons la communauté faire son choix » a-t-il ajouté.
Le responsable du comité de Maferinya estime que le développement durable n’est pas compatible avec la violation des droits fondamentaux des communautés notamment le droit à la vie, à un environnement sain, à la santé, à l’alimentation et à l’eau. C’est pourquoi dans le cadre de nos activités de suivi explique Ousmane Youla, « nous avons noté des manquements sur le terrain qui sont la non prise en compte des cas d’impacts faisant l’objet de plaidoyer trimestrielle disponible sur www.actionsminesguinee.org la faible consultation des communautés concernées par Winning consortium simandou et ses sous-traitants et l’insuffisance des mesures de compensation à la suite de la destruction des filets de pêche au niveau des ports artisanaux. »
Saidouba Sylla président de district de Senguelen quant à lui affirme que parfois, les communautés préfèrent reçevoir de l’argent au lieu de la reconstruction de leurs habitations en guise de dédommagements suite aux fissures des maisons.
Les autorités locales et les sages de cette localité, sensibilisent les communautés à faire le choix de ce qui est mieux pour eux après.
Joint par téléphone, un des responsables de Rio Tinto travaillant dans cette localité, nous a répondu « je ne vous connais pas, je ne suis pas habilité à parler à des journalistes sur nos activités. Il faut passer par le service communication basé à Conakry pour avoir les informations dont vous avez besoin” , précise-t-il.
Sur la question liée à la protection de la biodiversité un rapport établi par l’équipe scientifique-Alliance Mondiale pour le Droit de l’Environnement sur le bloc 3 et 4 du projet Simandou indique que le projet est situé dans une aire protégée, une priorité pour la conservation de la biodiversité aux niveaux mondial, national et local, qui est destinée à être convertie en parc national. Le rapport conclut que le fait de développer un projet minier avec les caractéristiques de Simandou n’est pas cohérent avec les objectifs de la conservation de la biodiversité.
Pourtant dans une lettre conjointe en date du 23 septembre 2023 les top managers de Rio Tinto et Winning Consortium Simandou, se sont engagés auprès de Human Rights Watch, à développer Simandou conformément aux normes internationales de performances environnementales et sociales et à respecter les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains.
Compte tenu de sa taille et de son caractère intégré mines plus infrastructures (Port et chemin de fer), Le projet Simandou représente des enjeux sociaux-environnementaux considérables, la construction du port à sengelen dans la sous-préfecture de Forécariah est un exemple de cas qui illustre la dégradation de l’écosystème et des moyens de subsistance des communautés riveraines.
En attendant impatiemment que les entreprises prennent leur responsabilité face aux impacts de leurs activités sur leur quotidien, les communautés locales constituées en comité de suivi des impacts espèrent à un avenir meilleur dans lequel leur droit à un développement durable seront pris en compte.
Ce reportage a été possible grâce à l’appui de CFI media, dans le cadre du projet TerraAfrica.
Idiatou Souaré