Etes-vous comme moi tombé sur l’une de ces publicités qui vante les mérites d’une climatisation désormais verte et écoresponsable ? Les promoteurs de l’industrie des climatiseurs n’hésitent pas à employer des slogans accrocheurs » passez au vert », « climatisation verte » ou encore « clim-éco » etc. https://youtu.be/4PmLFu8JJMY
Nous le faisons tous dès que nous pouvons. Allumer la climatisation est devenu un réflexe lors des fortes chaleurs. Cette envolée de la climatisation répond à un vrai besoin. Selon une étude de l’Organisation Mondial de la Santé diffuse en 2024 [https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/climate-change-heat-and-health], la mortalité liée à la chaleur n’a cessé d’augmenter depuis les années 2000. Chez les plus de 65 ans, 345 000 personnes sont décédées en 2019 dans le monde du fait de vagues de chaleur. Un chiffre en hausse de 80,6 % sur vingt ans.
Un vrai confort si on peut se le permettre ! Mais est-ce responsable pour l’environnement ? Nous sommes allés vérifier en adoptant les méthodes journalistiques du Fact Checking.
La climatisation : quelle ampleur dans le monde ?
Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) publiée en 2018 [https://iea.blob.core.windows.net/assets/0bb45525-277f-4c9c-8d0c-9c0cb5e7d525/The_Future_of_Cooling.pdf], 135 millions de climatiseurs sont vendus dans le monde chaque année. On estimait en 2021 qu’il y avait 1,5 milliards de climatiseurs installés dans le monde. Ce chiffre devrait tripler d’ici à 2050. 37% des ménages dans le Monde en seraient équipés alors que 20% en étaient équipés en l’an 2000, soit un doublement en 20 ans.
En Afrique, Le nombre de ménages équipés en climatisation n’a enregistré qu’une très faible hausse au cours des vingt dernières années, passant de 4 % à 6 % aujourd’hui.
L’Asie a en revanche vu son taux d’équipement exploser de 19 % à 47 % sur la même période. Le continent asiatique devrait concentrer la moitié des climatiseurs en 2050.
La climatisation : comment ça fonctionne et pourquoi ça contribute aux gaz à effet de serre ?
Les climatiseurs fonctionnent avec des gaz frigorigènes qui sont environ 15 000 fois plus réchauffants que le CO2. Les fluides frigorigènes contenus dans les vieux systèmes de climatisation, les chlorofluorocarbones (CFC) et les hydrochlorofluorocarbones (HCFC) contribuent à la destruction de la couche d’ozone.
Quels sont les impacts de la climatisation sur l’environnement et le dérèglement climatique ?
Premièrement, Ces appareils consomment énormément d’énergie. La course à la fraicheur a fait doubler en vingt ans la demande d’électricité liée à la climatisation, qui a atteint 2 000 térawattheures (tWh) en 2021, c’est entre 8 % et 10 % de l’électricité consommée dans le monde. Soit l’équivalent de 2,5 fois la consommation d’électricité du continent africain sur un an.
Deuxièmement, les climatiseurs fonctionnent avec des gaz frigorigènes qui sont environ 15 000 fois plus réchauffants que le CO2. Les fluides frigorigènes contenus dans les vieux systèmes de climatisation, les chlorofluorocarbones (CFC) et les hydrochlorofluorocarbones (HCFC) contribuent à la destruction de la couche d’ozone. Ces liquides listées R410A et R22 ont été interdits en 2020 dans la fabrication des modèles en Europe. En revanche, ce n’est pas forcément vrai pour des modèles fabriquées en Chine ou en Thaïlande qui sont les plus présents dans nos boutiques africaines.
Troisièmement, ils rejettent de l’air au travers des unités extérieures. Ce faisant, ils contribuent à la création d’îlots de chaleur en milieu urbain. La température monte dans les villes et l’on utilise encore plus la climatisation. C’est un cercle vicieux, alors que le taux d’urbanisation augmente de 8% en moyenne par an sur le continent africain.
Quatrièmement, La surclimatisation, c’est-à-dire une utilisation de la climatisation à des températures trop basses ou sur une durée trop longue, pourrait toutefois avoir des effets négatifs sur la santé : augmentation de la fréquence cardiaque ou des risques de développer des symptômes allergiques (comme par exemple la rhinite), de céphalées et de sécheresse des muqueuses nasales, oculaires ou de la gorge. En outre, elle pourrait augmenter les risques d’inconfort thermique lors du passage d’un lieu climatisé vers un lieu non climatisé, ou inversement. C’est-à-dire qu’on empêche le corps de s’adapter physiologiquement à la chaleur.
En conclusion, peut-on croire donc à une publicité de « climatisation verte » ou « Passez au vert » d’une industrie de fabrication des climatiseurs ?
Non, pour toutes les raisons expliquées ci-dessus. En voulant trouver des solutions au phénomène de chaleur accrue dans les habitations, nous contribuons donc à aggraver la situation par l’utilisateur des climatiseurs.
En bref, plus ça refroidit l’intérieur, plus ça réchauffe l’extérieur. La solution la plus verte et responsable est de l’utiliser le moins possible ou de la remplacer par des ventilateurs.
Cet article a été réalisé avec la participation de CFI, Agence française de développement médias, dans le cadre du Projet TERRA AFRICA.
Boèboè Béavogui