Bakou, Azerbaïdjan – La COP29 des Nations unies sur le climat, prévue pour Novembre 2024, se tiendra dans la capitale azerbaïdjanaise Bakou, un choix controversé qui soulève des questions sur la gouvernance, la transparence et la liberté de la presse. Si cet événement majeur est censé incarner l’engagement mondial pour la lutte contre le changement climatique, il se déroule dans un contexte politique tendu, marqué par la répression des libertés fondamentales et des accusations de corruption.
La conférence, qui devrait réunir plus de 5 000 participants, se tiendra au Sea Breeze Resort, un complexe luxueux appartenant à Emin Agalarov, l’ex-gendre du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. Le lieu, qui s’étend sur 500 hectares au bord de la mer Caspienne, est un symbole de l’alliance entre les grandes entreprises locales et la famille régnante. Ce complexe a reçu un contrat d’une valeur estimée entre 5 et 12 millions de dollars pour accueillir les invités de la COP29, un contrat attribué sans appel d’offres, selon des informations révélées par Abzas Media, un site d’information indépendant en Azerbaïdjan.
Un choix contesté : Entre écologie et autoritarisme
Le choix de l’Azerbaïdjan comme hôte de la COP29 a suscité de vives critiques, en particulier de la part des organisations de défense des droits humains. L’Azerbaïdjan est l’un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde, ce qui soulève des questions sur la cohérence de la lutte contre le changement climatique dans un pays qui dépend fortement des énergies fossiles. En outre, le pays est classé parmi les régimes les plus autoritaires par Freedom House, une organisation de défense des droits de l’homme. La famille Aliyev, au pouvoir depuis plus de 20 ans, est accusée de concentrer une grande partie des richesses nationales, et de maintenir un contrôle étroit sur les affaires politiques et économiques du pays.
Dans ce contexte, la COP29 pourrait être perçue comme une opportunité pour le gouvernement azerbaïdjanais de redorer son image sur la scène internationale tout en réprimant les voix dissidentes à l’intérieur du pays. En effet, des enquêtes menées par des médias comme OCCRP ont révélé les liens entre les entreprises locales désignées comme « partenaires officiels » de l’événement et la famille Aliyev, renforçant les soupçons de népotisme et de conflits d’intérêts.
La répression de la presse : Une ombre sur la COP29
Un autre aspect inquiétant de cet événement est la répression de la liberté de la presse en Azerbaïdjan. Six journalistes du site indépendant Abzas Media ont été emprisonnés après avoir révélé des informations sensibles sur les contrats attribués pour l’organisation de la COP29. Accusés de « falsification » et d’autres charges politiques, leur emprisonnement s’inscrit dans une tendance plus large de restrictions des libertés civiles dans le pays, notamment une répression accrue de la presse indépendante et des voix critiques du gouvernement.
Cette situation soulève une question fondamentale : est-il éthique de soutenir un événement mondial aussi crucial dans un pays où la liberté d’expression est largement restreinte ? La répression des journalistes en Azerbaïdjan pourrait être perçue comme une tentative de contrôler l’image du pays et d’empêcher toute forme de critique au moment où le gouvernement veut se présenter comme un acteur global dans la lutte contre le changement climatique.
Un dilemme éthique pour la communauté internationale
La COP29 se veut un forum mondial pour la négociation des enjeux climatiques, réunissant des chefs d’État, des responsables d’organisations non gouvernementales (ONG) et des experts de tous horizons. Cependant, l’Azerbaïdjan, par son modèle politique et économique, représente un dilemme pour la communauté internationale. D’une part, le pays cherche à afficher une image de modernité en accueillant un sommet sur le climat ; d’autre part, il persiste dans une répression des droits fondamentaux qui contrevient aux principes démocratiques sur lesquels la coopération internationale est censée reposer.
Le rapport COP Co-Opted, publié récemment par Transparency International et le Collectif de lutte contre la corruption, souligne que la COP29 met en lumière un manque de régulation sur la gestion des partenariats et des conflits d’intérêts. Selon ces organisations, l’absence de directives strictes sur les pays hôtes permet à des régimes autoritaires de « blanchir » leur réputation en organisant des événements mondiaux tout en continuant à étouffer la dissidence et à exploiter les ressources naturelles pour renforcer leur pouvoir économique.
Un sommet sous surveillance
En fin de compte, la COP29 en Azerbaïdjan représente plus qu’une simple conférence climatique. Elle expose les contradictions d’un pays qui veut se positionner comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique, tout en continuant à opprimer ses citoyens et à refuser toute forme de transparence démocratique. La communauté internationale sera-t-elle capable de mettre en lumière ces contradictions, ou la COP29 sera-t-elle un exemple supplémentaire de la manière dont des régimes autoritaires peuvent manipuler des événements mondiaux pour servir leurs intérêts ?
Sources:
- Transparency International, OCCRP, Freedom House, Abzas Media, Collectif de lutte contre la corruption
Analyse faites par Idiatou Souaré pour Guineeline