Oumou Hawa Diallo défenseuse de la jeunesse de l’UNICEF pour la cause climatique et environnementale raconte la mésaventure d’une famille victime des effets du changement climatique dans la zone aurifère de Siguiri en République de Guinée. Elle a fait ce témoignage pathétique lors d’un atelier débat tenu à Conakry le 27 mai 2024. Oumou Hawa Diallo est cofondatrice de l’ONG Agir Contre le Réchauffement Climatique (ACOREC) et membre de la plateforme jeune voix du sahel (UNICEF).
« c’est le vécu d’une famille qui m’a touché lors de mes activités de lutte contre le changement climatique en Guinée précisément dans la préfecture de Siguiri. Il y a quelques mois, je faisais un tour de la Guinée pour la réalisation d’un film documentaire sur l’impact du changement climatique notamment sur les enfants. J’ai écouté le témoignage d’une femme qui avant avait de grandes récoltes avec sa famille à travers l’exploitation agricole d’un domaine qui s’étendaient sur une quinzaine d’hectares. Cette exploitation permettait à la famille de vivre en harmonie.
Plus le temps passait, les changements s’opéraient jusqu’à ce qu’aujourd’hui, les terres ne sont plus fertiles à cause de l’exploitation minière. Donc, à la place des quinzaine d’hectares que la famille avait avant, aujourd’hui, elle ne peut exploiter qu’environ trois hectares. Cette exploitation aussi ne donne plus comme jadis parce que la saison sèche s’étend sur une longue durée que la saison hivernale. Plus les conséquences du changement climatique se font ressentir plus et cela crée le désespoir et la désillusion parce que si la famille vivait de l’agriculture et de l’élevage et aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Ce qui a fait que le père de famille a quitté Siguiri pour Conakry à la recherche du bien être pour la famille. D’après la femme le Monsieur n’arrive pas envoyer de façon régulière la dépense à la recherche de laquelle il est parti. Donc toutes les charges de la famille actuellement reposent sur les épaules de la femmes. Il y a des enfants qui doivent aller à l’école, mais madame ne peut pas les envoyer par faute de moyens économiques. »
Un mariage précoce malgré la famille
« La famille a même été à un moment contrainte de donner l’une de ses fille en mariage précoce parce qu’elle n’avait pas atteint les 18 ans. Elle s’est peut-être dit que cette fille a un peu grandi, et qu’elle pouvait être donner en mariage et qu’elle pouvait être une bouche de moins à nourrir et des dépenses de moins pour la famille. Donc cette jeune fille est donnée en mariage. Aujourd’hui cette elle n’a pas d’activité génératrice de revenue dans son foyer. Donc voyez un peu comment le changement climatique influence les communautés notamment les plus pauvres. La fille n’a pas été donné en mariage parce qu’elle était consentante ou parce qu’elle avait atteint l’âge de se marier mais parce que ses parents se sentaient obligés pour diminuer les charges de la famille. »
Les impacts sur l’agriculture et l’élevage
« Cette famille s’est vue obligée de laisser les activités les plus rentables pour elle. Il n’y a plus de moyens pour faire l’agriculture parce que j’avais vu son champ de maïs en octobre dernier qui était complètement asséché. On remarque que la terre est de plus en plus aride. On voyait même des fissures au niveau du sol. Cela est dû au fait qu’au niveau des mines quand on exploite, il y a cette boue qui est déversée dans les cours d’eau. Donc il y a beaucoup de marigots qui sont complètement asséchés. Il n’y de moyen pour irriguer ces champs-là. Et les bétails qui y restaient, étaient vraiment maigres. Si déjà les personnes ne trouvent pas de quoi se nourrir, est-ce qu’ils donneront aux animaux quelque chose à manger ? La femme est avec ses enfants dans les mines avec tous les risques possibles. Un moment il y a eu éboulement dans la mine qui heureusement n’a pas emporté son fils mais il en a été victimes. Heureusement sa vie est sauve mais il a été victime. Cela démontre un peu la charge que les femmes ont sur leurs épaules quand on parle de changement climatique. Ça montre combien de fois les femmes sont vulnérables les impacts du changement climatique sur les pauvres et les charges que cela porte sur les épaules des femmes. »
Disparité sur le plan éducatif
« Quand on parle de disparité entre les filles et les garçons par rapport aux impacts du changement climatique, il y a le manque de droit à l’éducation à la base. Aujourd’hui il n’y a presque pas de cours d’eau à Siguiri. Presque tout est asséché d’après ce que j’ai vu de propre yeux. Donc s’il n’y a pas de cours d’eau à proximité, il faut qu’elles parcourent de longue distance pour aller chercher de l’eau. Et souvent dans nos familles ce sont les filles et les femmes qui font cette tâche-là. Pendant que les filles sont en train de chercher de l’eau avec leur maman, les garçons sont dans les salles de classes en train d’étudier ou à la maison en train de réviser. Donc elles se voient privées de leur droit à l’éducation. Ce qui réduit forcement leur perspective d’avenir parce que quand on parle d’éducation c’est à la base. Si la jeune fille n’est pas scolarisée, elle ne connait pas ses droits et ses devoirs. Elle ne connait pas les enjeux mondiaux auxquels l’humanité fait face, elle n’aura la capacité de réagir. Donc ça lui limite dans l’avenir, ce qui peut également lui priver de certains droits. »
Décryptage Boèboè Béavogui