Le rapport souligne que les projets d’infrastructures financés par l’empire du Milieu sur le continent ne respectent pas les normes ESG de la Chine et n’adhèrent qu’aux exigences minimales des pays hôtes en la matière.
Les projets d’infrastructures financés par la Chine en Afrique affichent de mauvaises performances en matière d’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), selon un rapport publié le 30 août par le Global Development Policy Center, un think tank rattaché à l’Université de Boston (États-Unis).
Intitulé « Elevating ESG : Empirical Lessons on Environmental, Social and Governance Implementation of Chinese Projects in Africa », le rapport a analysé cinq projets d’infrastructure financés par la Chine en Egypte, au Nigeria et en Ethiopie dans deux domaines clés : l’électricité et les parcs industriels.
Ces projets ont été évalués en fonction de leur conformité avec les exigences ESG locales et chinoises, en particulier le « Traffic Light System » (Système de feux tricolores), le nouveau système de contrôles environnementaux des investissements chinois à l’étranger dans le cadre de l’initiative « Nouvelles routes de la soie ».
Ce système permet de classer les investissements chinois à l’étranger en fonction de leur impact sur la pollution, le climat et la biodiversité. Il retient trois catégories : des projets rouges nécessitant une supervision et une réglementation plus strictes ; des projets jaunes ayant des impacts modérés ; et des projets verts qui n’ont pas des impacts négatifs.
Dans les pays africains, les critères ESG ne sont pas cependant homogènes. Certains pays comme l’Afrique du Sud ont des exigences fortes en ce qui concerne l’investissement responsable alors que d’autres ne disposent pas d’un cadre réglementaire relatif aux ESG. Et même si les textes existent, leur application reste très incertaine dans la plupart des pays du continent.
Des entreprises exploitent la faiblesse des réglementations nationales
Le rapport souligne dans ce cadre que les cinq projets évalués ne respectent pas les normes ESG chinoises et n’adhèrent qu’aux exigences minimales des pays hôtes en la matière.
En Egypte, les auteurs du rapport ont évalué deux projets : The Tianjin Economic-Technological Development Area-Suez Special Economic Zone (TEDA-Suez), un parc industriel qui s’étend sur une superficie 7,3 km2 dans la zone économique spéciale du canal de Suez, et la centrale hydroélectrique d’Attaqa (gouvernorat de Suez).
Le parc industriel TEDA-Suez regroupe des dizaines d’entreprises manufacturières chinoises opérant dans divers secteurs tels que l’industrie automobile, le textile, les matériaux de construction et l’industrie chimique. Ces entreprises ne respectent pas les critères ESG édictés par la Chine et n’intègrent que les normes environnementales minimales appliquées en Egypte, et qui sont très en deçà des meilleures pratiques internationales.
Elles tirent également parti de la faiblesse des réglementations nationales régissant les conditions de travail et les obligations de paiement des impôts. Des travailleurs et des cadres locaux interrogés dans le cadre d’entretiens en face-à-face menés sur le terrain se sont plaints des bas salaires, des longues heures de travail et, dans certains cas, de l’absence de couverture sociale.
Le projet TEDA-Suez présente également un risque plus élevé pour la biodiversité par rapport à d’autres projets financés par la Banque mondiale et la Chine.
L’évaluation du projet de la centrale hydroélectrique d’Attaqa, qui a été financée par la banque chinoise d’import-export (China Eximbank) et construite par la société d’État chinoise Sinohydro, montre par ailleurs que les préoccupations des populations concernées par l’expropriation des terres n’ont pas été prises en considération en l’absence de consultations publiques.
Développer davantage de mécanismes de recours
Au Nigeria, le projet de la zone franche de Lekki, qui s’étend sur une superficie totale de 16 500 hectares à environ 60 kilomètres à l’est de la capitale économique Lagos, présente des risques ESG notables liés essentiellement au déplacement des communautés autochtones et à leur indemnisation.
En Ethiopie, des retards dans l’indemnisation des populations autochtones ont été aussi constatés au niveau des trois projets examinés : la zone industrielle orientale (EIZ), le Grand Barrage de la Renaissance (Gerd) et la ligne de transmission reliant le Grand Barrage de la Renaissance à la capitale Addis-Abeba.
La Constitution éthiopienne de 1995 comprend des dispositions stipulant que les projets de développement ne doivent pas endommager l’environnement et reconnaissant le droit de la population d’être consultée et d’exprimer son point de vue sur la planification et la mise en œuvre de ces projets. Moins de 50% des personnes interrogées au niveau local dans le cadre de l’enquête menée sur terrain ont cependant indiqué qu’il y avait eu une évaluation de l’impact environnemental et social pendant les phases de planification des trois projets sélectionnés.
Pour améliorer la durabilité des projets chinois en Afrique, le rapport recommande à Pékin d’intensifier la sensibilisation des petites entreprises impliquées dans la construction des projets d’infrastructures et de développer davantage de mécanismes de recours axés sur la résolution des retours d’information et des plaintes émanant des communautés locales.
Les pays africains devraient de leur côté renforcer leurs capacités internes et leurs cadres juridiques afin d’améliorer la mise en œuvre des critères ESG, d’accroître la coordination et de lancer des programmes de sensibilisation du public.
(Agence Ecofin)