Emmanuel Macron s’est imposé face à Marine Le Pen à l’issue d’un scrutin marqué par une forte abstention. Tentative d’explications d’une soirée placée sous le sceau de l’inédit.
Emmanuel Macron s’est imposé face à Marine Le Pen à l’issue d’un scrutin marqué par une forte abstention.
Une réélection inédite sous la Ve République
La date du 24 avril 2022 entre ainsi dans l’histoire, marquant la première réélection d’un président de la République sans sortir d‘une période de cohabitation. Et c’est Emmanuel Macron, pas avare en premières dans son parcours fulgurant, qui réussit cette performance inédite. Dans un remake du duel de 2017, il s’est à nouveau imposé à Marine Le Pen, à l’issue d’un quinquennat qui s’est déployé autour de crises exceptionnelles et de sa personnalité clivante. Dans le contexte anxiogène (consécutif à cet enchaînement d’événements rares) d’un pays fracturé et moralement miné, cette réussite jamais vue pourrait ne souffrir d’aucune réserve.
Elle doit cependant être nuancée : c’est avec environ deux millions de voix de moins par rapport à 2017 que le président a été réélu dimanche, alors que sa rivale enregistre environ trois millions de suffrages supplémentaires. Le président élu passe ainsi de 66,1 % à 58,2, Marine Le Pen se hisse, elle, de 33,9 % à 41,8 %. Les écarts se réduisent. D’où une autre première.
2. Marine Le Pen et le RN au plus haut
Elle concerne donc Marine le Pen, ou, plus précisément, ce qu’elle incarne, et représente : une tendance de la droite radicale et nationaliste portée par un parti, le Rassemblement national (ex-Front national), qu’elle préside, succédant en cela à son père qui l’avait créé. Ce parti et ce courant idéologique, ni elle ni son père ne l’avaient jamais mené aussi haut.
Dimanche, Marine Le Pen a à peu près multiplié par trois le score de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle 2002. Et par rapport à son propre second tour de 2017, elle a probablement bénéficié cette année d’un report très majoritaire des presque 2,5 millions de voix recueillies par Éric Zemmour il y a quinze jours. Lui, l’autre candidat majeur lors de cette élection présidentielle issu des rangs de l’extrême droite.
3. Une abstention qui s’installe
Une fois évacuées les considérations relatives aux deux finalistes, reste l’autre enseignement majeur de ce second tour : exception faite du cas à part de l’élection de 1969 qui opposait deux candidats de droite (Georges Pompidou et Alain Poher), ce qui avait incité nombre d’électeurs de gauche à ne pas rallier les urnes et autorisé un taux d’abstention de 31,1 %, jamais aussi peu de citoyens ne s’étaient déplacés pour un second tour de la présidentielle que lors de ce dimanche.
Cette abstention estimée à environ 28 % confirme une tendance à la baisse, observée déjà au premier tour, mais aussi relevée à l’occasion d’autres scrutins précédents. Avec des records battus lors des départementales et régionales de 2022. Sans oublier le poids du vote nul et blanc, toujours plus prégnant, notamment depuis le deuxième tour de la présidentielle 2017. Où, pour la première fois, il avait franchi la barre symbolique des 10 %.
4. Maintenaint, recoudre le pays…
L’élection d’Emmanuel Macron dimanche relève autant d’un vote d’adhésion que d’un vote de rejet de la candidate du Rassemblement national. À l’entame de son second mandat, le président élu ne dispose donc pas du même élan qu’en 2017. Lors duquel il devrait s’attacher à recoudre un pays déchiré, comme le mouvement des “gilets jaunes” notamment l’avait montré sur la durée avant d’être freiné par la crise du Covid.
Ce qui passera peut-être (sûrement ?) par des évolutions sur le plan des instituions voire des modes de scrutin. Avec une (dose de) proportionnelle aux élections législatives ? Ce ne sera pas le cas pour celles des 12 et 19 juin. Qui verront, a minima, un début de recomposition d’un paysage politique français désormais complètement éclaté. De grandes manœuvres sont déjà à prévoir, à gauche comme à droite ? Elles ont démarré ce dimanche à 20 h 01.
source: midilibre