L’ancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, a été condamné à la prison à vie pour attentat à la sureté de l’état et complicité dans l’assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara en 1987, a décidé mercredi un tribunal militaire, rapporte Reuters.
Blaise Compaoré, âgé de 70 ans, a été accusé par contumace avec son ancien chef de la sécurité Hyacinthe Kafando, qui a également été condamné à la prison à vie.
L’officier auxiliaire, le général Gilbert Diendéré, qui a assisté au procès à Ouagadougou, a reçu la même peine de prison à vie, rapporte le correspondant de BBC Afrique, Simon Gongo, depuis la salle d’audience de Ouagadougou.
Trois des 14 accusés ont été relaxés, tandis que les autres ont reçu des peines allant de 3 à 20 ans.
Comment Blaise Compaoré a accédé au pouvoir ?
Thomas Sankara a été abattu à l’âge 37 ans par des soldats lors d’un coup d’État le 15 octobre 1987, qui a vu son ami proche, Blaise Compaoré, accéder au pouvoir.
Quatre ans auparavant, les deux hommes avaient organisé la prise de pouvoir qui a permis à Sankara de devenir président.
M. Compaoré figure parmi les 14 accusés dans l’affaire qui s’est ouverte en octobre 2021. Il est actuellement en exil en Côte d’Ivoire voisine, un pays dont il détient la nationalité depuis 2015.
Il y a fui après avoir été contraint de démissionner lors de manifestations de masse en 2014. Il a nié à plusieurs reprises toute implication dans la mort de Sankara.
34 ans après l’assassinat de Thomas Sankara « le Che Guevara de l’Afrique »
L’ancien président burkinabè Thomas Sankara et 12 de ses compagnons ont été tués le 15 octobre 1987 à Ouagadougou.
Le capitaine est arrivé au pouvoir lors d’un coup d’État en 1983. Il avait alors 33 ans lorsqu’il a pris la tête de la Haute Volta, qu’il a rebaptisé Burkina Faso, le « Pays des Hommes Intègres ».
Il passera 4 ans à la tête du pays, mais son souvenir reste vivace à l’intérieur tout comme à l’extérieur du Burkina Faso.
Celui que l’on surnomme le Che Guevara de l’Afrique n’avait que 37 ans lorsqu’il a été tué.
Quelle est la réaction des proches de Thomas Sankara ?
Mariam Sankara, la veuve de Thomas Sankara, a vivement réagit dès l’annonce du verdict à Ouagadougou.
»Nous avons attendu depuis 35 ans. On a tous attendu ensemble. Aujourd’hui le verdict est tombé, le juge a donné son verdict. C’est la loi, donc tout le monde apprécie. C’est quelque chose qu’on a demandé, on a demandé la justice, on a demandé la vérité. »
»Nous pouvons dire que nous avons eu connaissance de beaucoup de choses, des choses qui étaient dites, ce procès a permis de confirmer et nous pensons que le juge a fait ce qu’il faut faire. Et notre but c’est que ces violences politiques au Burkina finissent. »
Maître Djammen Nzepa, l’avocat de la famille de Thomas Sankara, a déclaré avoir reçu le verdict avec »énormément de satisfaction ». Ajoutant que »C’est une première dans l’histoire de l’Afrique ».
Contacté par téléphone par BBC Afrique, il a ajouté que la partie civile ne s’attendait pas à aboutir un jour à un tel résultat.
» C’est 6 mois d’audience mais nous avons commencé ce procès en 1997. On a déposé la plainte en 97. Je pense que du côté des victimes tout le monde était extrêmement satisfait. »
Pour la suite du procès et l’exécution des peines, l’avocat de la famille reconnait que les choses risquent d’être compliquées.
Concernant le cas de Blaise Compaoré c’est un peu plus compliqué car il a pris la nationalité ivoirienne, le pays de son épouse et il s’y est réfugié depuis plusieurs années. Après le soulèvement populaire de 2014 il avait été exfiltré par les forces française et il a trouvé refuge auprès de son ami le président de la Côte d’Ivoire qui refuse d’extrader Blaise Compaoré malgré tout ce que nous avons tenté, malgré ce que le gouvernement et le juge d’instruction ont tenté. Ouattara a dit qu’il ne pouvait pas extrader l’un de ses ressortissants.
Maitre Djammen Nzepa n’en reste pas moins optimiste car »nous avons maintenant un outil qui permet d’exercer un certain nombre de pressions auprès du président Ouattara parce que c’est le seul qui peut décider de faire revenir Compaoré au Burkina », dit-il.
»Moi je suis optimiste, il faut que Blaise vienne s’expliquer devant la justice de son pays ».
Selon Me Nzepa »la famille ne souhaite pas d’indemnisation. Elle compte demander un franc CFA symbolique car c’est ce qu’aurait voulu Thomas Sankara. » »La famille ne veut pas d’argent mais souhaite uniquement la vérité, » affirme-t-il.
Que s’est-il passé ce jour-là ?
Il y a plusieurs versions, dont celle de Halouna Traoré, le seul rescapé de la tuerie.
Le jeudi 15 octobre 1987, selon son témoignage, des soldats armés ont pris d’assaut le Conseil de l’Entente, siège du Conseil national de la Révolution (CNR).
Pour éviter que des innocents soient tués, Thomas Sankara aurait déclaré : « ne bougez pas, c’est de moi qu’ils ont besoin ».
Le président du Faso serait alors sorti, les mains en l’air pour se rendre.
Il sera criblé de balles et s’écroulera sur le perron de la salle de réunion du bâtiment « Burkina » du Conseil de l’Entente, gisant dans une mare de sang.
Une version que corrobore d’autres témoignage. Mais ce n’est qu’une version. En réalité, les faits entourant cette journée restent inconnus. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles ce procès a été si attendu.
Le procès n’a pas pu s’ouvrir sous le règne de Blaise Compaoré au pouvoir de 1987 à 2014.
Mais en 1997, soit 10 ans après l’assassinat de son époux, sa veuve Mariam Sankara avait déposé une « plainte contre X pour assassinat et faux en écriture administrative » qui était déclarée irrecevable par le tribunal de grande instance de Ouagadougou.
Au total, 22 personnes étaient citées au départ dans cette affaire.
Cette mise en accusation est intervenue après le bouclage de l’enquête menée par le juge d’instruction en charge du dossier au tribunal militaire de la capitale burkinabè.
Que signifie ce verdict pour Blaise Compaoré ?
Blaise Compaoré a toujours nié son implication dans l’assassinat de son ami et frère d’armes Thomas Sankara.
Exilé au pays de son épouse, la Côte d’Ivoire, depuis 2016, Blaise Compaoré est visé par un mandat d’arrêt international. Il a obtenu la nationalité ivoirienne quelques mois après son arrivée et y mène une vie discrète.
Il n’a pas fait le déplacement à Ouagadougou pour assister au procès sur l’assassinat de son ancien frère d’armes et ami.
Son avocat a précisé que Blaise Compaoré bénéficie « de l’immunité en tant qu’ancien chef de l’Etat ».
Depuis son arrivée dans le pays, aucun officiel ivoirien ne s’est prononcé sur l’affaire. Petit rappel, lorsque la Côte d’Ivoire a sombré dans la violence postélectorale en 2010, Blaise Compaoré était facilitateur dans le processus de paix.
La justice Burkinabè promet de le juger par contumace au cas où il ne revenait pas aux pays.
bbc