Les spécialistes des questions minières sont unaniment que la présence des minéraux stratégiques ou de transition énergétique est une source de problème pour les pays. Ces experts interpellent les autorités sur les enjeux de ces ressources et les dispositions à prendre pour une exploitation juste. Ils l’ont fait savoir en marge d’un atelier portant sur « le changement climatique et les énergies renouvelables », tenue à Conakry les 22 et 23 juin 2023 par l’ONG Action Mines Guinée.
Barry oumar Totiya doctorant à l’université de Lyon en France a commencé d’abord par dire pourquoi l’appellation minerais stratégique. « On les appelle minéraux stratégiques du fait de deux éléments : leur inégalités de répartition à travers le monde, ils sont concentrés dans un certains nombre de pays. Et aussi du fait de leur importance dans la vie au quotidien, dans la technologie et l’économie mondiale actuelle. » A expliqué le doctorant avant d’être suivi dans ses propos par Mohamed Lamine Sidibé un autre spécialiste de la gouvernance minière et des énergies renouvelables qui a rappelé également l’importance de ces minéraux
« les enjeux liés à ces minéraux stratégiques sont très importants. D’abord il faut comprendre qu’ils sont essentiels pour la décarbonation de nos économies conformément à l’accord de Paris en son article 6. Donc pour decarbonner les économies, il est important que les minerais comme le cobalt, le lithium, le graphite et les terres rares soient utilisés. Ce sont eux qui vont permettre la fabrication des batteries électriques et les énergies renouvelables afin de rendre notre économies moins polluante » à fait savoir Mohamed Lamine Sidibé. Le doctorant Totiya Barry précise à quel niveau se situe les vrais enjeux lié minérauxstratégiques « les enjeux se situent le plus souvent au niveau de la chaîne d’approvisionnement de ces minéraux. Parce qu’il y a des réseaux parallèles aux réseaux officiels d’approvisionnement qui profite de la défaillance de certains États pour alimenter des réseaux de criminels et de contrebande. Ce qui conduit parfois à des conflits armés dans les régions où se trouvent ces minéraux. »
De l’avis de Mohamed Lamine Sidibé, l’autre enjeu se trouve dans la fragilité des systèmes administratifs des pays africains « l’enjeu majeur pour l’Afrique se situe au niveau géopolitique qui est dû au fait que les pays africains sont caractérisés par des systèmes de gouvernance très faibles et ces minerais stratégiques sont convoités par divers auteurs venant des grandes puissances. Ce qui fait aujourd’hui de l’Afrique, la proie de toutes les grandes puissances. »
Un avis que partage Oumar Barry à travers cet exemple qui illustre mieux des cas dans beaucoup de pays en Afrique « Il y a des entreprises qui préfèrent acheter dans des marchés parallèles parce que là-bas ça les coutent moins chèrs, ça les évite le respect de certains principes de réglementation environnementale et de droits humains. Donc il préfèrent les marchés parallèles qui sont pourtant des réseaux criminels. C’est le cas à l’est de la République Démocratique du Congo » cite docteur Barry comme exemple.
Sur le plan géopolitique, le marché des minéraux stratégiques ressemble à une bataille d’éléphants où les pays africains détenteurs ne sont que des souris sur le champs de bataille schématise OumarTotiyaBarry « ces minéraux sont source de tension entre les grandes puissances et les pays qui les disposent. La Chine détient aujourd’hui presque la totalité des réserves mondiales en terres rares. La République Démocratique du Congo détient des réserves importantes en ce qui concerne le cobalt et le cuivre même le lithium. Il y a une rivalité entre les grands pays dans la conquête de ces minéraux. »
Le fait de disposer ces ressources expose les pays à un certains nombre de tension et de rivalité avec les grands pays. La Guinée n’est pas en marge de cette réalité « la Guinée est déjà et sera davantage au cœur de ces enjeux du fait d’abord de disposer de la bauxite. Au fil des années on verra une pression s’accroître pour s’approvisionner en bauxite en Guinée parce qu’elle va être indispensable » Averti le doctorant spécialiste des questions minières.
Ce qui saute à l’œil est qu’il y a déjà un permis d’exploitation du graphite en Guinée. Il y a aussi des indices d’autres minéraux stratégiques. « On sait que dans quelques années la Guinée sera au cœur du marché mondial de ces minéraux et cela va accroître des tensions à la fois sur le plan interne en ce qui concerne le respect des droits de l’homme, la réglementation environnementale et aussi des risques sécuritaires » à t-il lancé comme alerte.
Pour M. Sidibé la Guinée s’illustre déjà mieux sur le plan légal et réglementaire à travers sa Contribution Déterminée au niveau National (CDN) qui stupile l’ensemble des réglementation en matière de décarbonation du secteur des mines « la Guinée doit s’approprier de cela pour procéder à l’implémentation de l’accord de Paris et de s’approprier des autres normes internationales qui permettent de faire la diligence de l’ensemble des chaînes d’approvisionnement des chaînes de valeure des sociétés minières. »
Quant à Oumar Barry, il pense que l’Etat doit aller plus loin « Il faut déjà doter la Guinée de loi qui sécurise d’abord l’approvisionnement de ces ressources. Pourquoi pas exiger une transformation locales de ces minerais ? cela éviterait d’exporter des centaines de millions de tonnes de bauxite qui seront nécessaires à la transition énergétique » souhaite Oumar Barry comme alternative.
Sur le même sujet, d’enjeux des minéraux stratégiques Mamadou Saliou Kanté directeur de programme de l’ONG Association Guinéenne d’Eveil pour le Développement Durable (AGED) lance un appel aux autorités Guinéennes « je leur demande de prendre le devant pour une bonne gestion de ces minéraux. Parce que quoiqu’on fasse, ces minéraux seront utilisés mais il faut une utilisation rationnelle. Il faut mettre un système de gestion et l’encadrer par des lois et règlements qui peuvent aller dans le sens de l’intérêt du pays et des communautés. »
Monsieur Kanté de l’AGEDD demande à l’Etat de garantir ses arrières en s’adossant à d’autres institutions sous-régionales voire internationales « J’appelle également l’Etat à se référer aux normes au niveau régional qui peuvent contraindre l’Etat et les entreprises à œuvrer en faveur des communautés. Il faut avoir une approche globale et multiformes qui sera encadrée par les institutions nationales accompagné par des institutions sous-régionales. Cela peut réglementer l’exploitation rationnelle de nos ressources stratégiques » estime M. Kanté de l’AGEDD.
Cette deuxième journée a été marquée par la présentation de plusieurs autres panels notamment sur les énergies renouvelables et les mécanismes de financement des alternatives au changement climatique.
Boèboè Béavogui