Dans un décret pris le lundi 23 janvier 2023, le gouvernement de la transition a lancé un avis d’appel d’offre pour la construction d’une raffinerie d’or en Guinée. Ce qui peut être un atout quand on sait que le pays est l’un des plus grands producteurs d’or de la sous-région surtout sur le plan artisanal. Mais pour comprendre d’avantage les enjeux d’un tel décret, notre rédaction a Interrogé l’universitaire Oumar Totiya Barry doctorant en science politique à l’université de Lyon, chercheur sur les industries extractives.
Bonjour docteur présentez vous s’il vous plaît ?
Je suis Oumar Barry doctorant en science politique à l’université de Lyon et chercheur sur les industries extractives.
Dans un décret récemment publié sur les ondes des médias d’Etat, le gouvernement a lancé un avis d’appel d’offre pour la construction d’une raffinerie d’or enGuinée. Quelle est la nécessité d’un décret dans ce cas de figure ? Est-ce nécessaire… ?
Oui ! C’est l’Etat qui cherche un partenaire qui a la capacité et les ressources pour construire une raffinerie d’or. Ça s’est fait au Mali depuis 2013. Il y en a à Dubaï et en Suisse même si ces deux derniers pays ne sont pas producteurs d’or.
Pour le cas de la Guinée nous avons deux grandes entreprises productrices d’or à savoir la Société des Mines de Dinguiraye (SMD) et la Société Anglo-gold Ashanti de Siguiri (SAG). Ces deux entreprises ont leurs propres raffineries. Donc il y a souvent une importante quantité d’or issue de l’exploitation artisanale qui n’est pas raffinée et qui est exportée à l’état brut. La démarche du gouvernement vise à raffiner cette partie de l’or issue de l’exploitation artisanale afin de créer plus de valeur ajoutée. Cette raffinerie sera d’abord implantée à Conakry avec une branche à Kankan qui sera plus proche des zones d’exploitation. Mais la vraie raffinerie sera à Conakry.
Comment cela va t-elle fonctionnement, du fait que la zone de production soit Kankan mais que la raffinerie soit installée à Conakry ?
C’est juste un problème d’organisation logistique parce qu’une raffinerie doit être installée dans des conditions à la fois facile du point de vue production d’électricité et proximité des zones d’extraction mais aussi du point de vue sécuritaire. Donc il y tous ces paramètres.
Si j’ai bien compris le décret, je crois que l’industrie sera implantée à Conakry mais il aura une antenne du côté de Kankan qui va peut être permettre de constituer les stocks d’or pour les acheminer vers l’usine à Conakry.
Parlant du cadre légal et réglementaire, est-ce qu’il y a des dispositions qui devaient êtres prises en amont ?
Le décret est une volonté politique exprimée par le gouvernement. Après, toutes les autres conditions techniques et financières comme le précise le décret seront définies par un arrêté conjoint qui sera pris par le ministère des mines et de la géologie et celui de l’économie et des finances. Cet arrêté conjoint va déterminer les modalités de construction de cette raffinerie d’or. Il y a aussi un cahier de charge qui est prévu. Ce cahier de charge va être élaboré à la fois par le bureau d’expertise et le service des projets miniers. C’est ce cahier de charge qui va définir toutes les conditions que les soumissionnaires doivent remplir pour décrocher ce marché de construction de raffinerie. C’est un processus dont le décret n’est que le début et qui exprime l’intention du gouvernement de procéder à la construction. Les autres détails viendront dans les arrêtés et le cahier de charge.
Il y a un sercive qui gère tout ce qui est infrastructures minières, à l’occurrence l’ANAIM. Quel peut-être le rôle ou l’implication de ce service dès l’instant où le décret est publié ?
Dans le cas de la raffinerie c’est une usine de transformation. Ça relève plutôt de la Société Guinéenne du patrimoine Minier (SOGUIPAMI) qui est aujourd’hui l’entité qui gère toute les participations de l’Etat et tous les projets de développement d’usine de raffinerieraffinerie ou de transformation. L’ANAIM gère plutôt les infrastructures de transport et d’évacuation des minerais. Je penses qu’après la SOGUIPAMI, l’ANAIM détiendra forcément des actions dans cette raffinerie qui est une entreprise de transformation de minerais dont l’or.
Quelle est donc la différence entre une infrastructure et une usine en matière d’infrastructures minières ?
Les infrastructures, il faut entendre par le chemin de fer, les ports d’évacuation et les cités. Ce sont des infrastructures de support. Alors qu’ici, nous sommes dans le cas d’une usine qui transforme un minerais. C’est comme quand on parle par exemple des raffineries d’alumine en Guinée. L’ANAIM ne gère pas des questions de raffineries d’alumine. C’est la SOGUIPAMI qui gère les participations de l’Etat. Donc si l’Etat doit créer une raffinerie seule ou en partenariat, c’est la SOGUIPAMI qui va gérer la participation de l’Etat dans cette raffinerie.
Le décret évoque des raisons de sécurité de la zone qui va abriter la raffinerie, quel peuventt-être les risques auxquels on peut s’attendre ?
À priori pour le moment il n’y a aucune crainte, ni d’inquiétude. Le Mali a une raffinerie qui a d’ailleurs une très forte capacité depuis 2013 et qui a encore récemment lancé un projet de construction d’une nouvelle raffinerie pour augmenter ses capacités. Du côté de la Haute Guinée à priori il n’y a aucune crainte du point de vue sécuritaire. L’Etat va prendre toutes les dispositions pour déployer les forces de sécurités pour protéger les installations à la fois du côté de Kankan et à Conakry. Déjà du côté des entreprises minières qui évoluent sur le terrain il y a des PA de la gendarmerie et de l’armée qui protègent toutes les installations.
Est-ce qu’il y aura la ressource nécessaire à partir de l’exploitation artisane pour alimenter cette raffinerie ?
Cela dépendra de la capacité de l’usine. Il y a par exemple des usines du côté de Dubaï qui font près de trois mille (3000) tonnes par an. Donc c’est le cahier de charge qui va déterminer la capacité de l’usine en fonction bien sûr des études qui vont démonter les possibilités d’approvisionnement. À priori, il n’y a pas de crainte à ce niveau aussi parce qu’on va construire une usine qui correspond effectivement aux besoins exprimés par l’offre sur le terrain
Quel profit les associations faîtière peuvent tirer de la construction de cette raffinerie ?
Elles ont beaucoup de profits à tirer parce qu’elles étaient obligés avant, d’exporter l’or brut dans les pays comme Dubaï ou en Suisse. Maintenant qu’elles peuvent valoriser leur or ici pour fabriquer des lingots d’or et après les exporter avec une valeure ajoutée. Je pense que c’est une opportunité qu’elles doivent saisir pour les permettre de transformer le produit sur place avant son exportation avec une valeur beaucoup plus élevée
Qu’est-ce qu’une raffinerie peut changer sur le positionnement de la Guinée par rapport à la géo-strategie ?
Créer cette raffinerie c’est d’abord un positionnement géo-strategique dans le secteur de l’or. J’ai parlé tout à leur dubcas de Dubaï qui qui ne produit d’or mais comme il y a la raffinerie. Aujourd’hui la moitié de l’or produit en Afrique est dirigé vers Dubaï pour être transformé. Donc la Guinée est en train de se positionner et peut être un jour elle pourra tirer l’or venu d’autres pays aussi pour être transformé ici. D’abord c’est la maîtrise d’un secteur, la maîtrise d’un savoir faire qui est la transformation de l’or en lingo. Et donc c’est une opportunité que le pays est en train de saisir pour développement un nouveau segment qu’il ne maîtrisait pas. Stratégiquement c’est très important pour la Guinée.
Docteur Oumar Totiya Barry merci ?
Je vous en prie !