Aux États-Unis, le 6 janvier dernier, les partisans de Donald Trump envahissaient le Capitole de Washington dans le but de perturber la certification de la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle. Un assaut qui avait coûté la vie à cinq Personnes. Plus de six mois plus tard, une commission parlementaire entame ce 27 juillet une enquête.
Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, a promis que cette commission permettrait de « découvrir la vérité », mais les républicains, eux, la jugent partiale. Françoise Coste, professeure à l’Université Toulouse 2 et spécialiste de la droite américaine et du parti républicain revient sur la commission d’enquête parlementaire qui doit enquêter sur l’attaque du Capitole du 6 janvier dernier.
RFI: Pour Kevin McCarthy, le chef des républicains à la Chambre des représentants, cette commission n’est pas « crédible ». Pourquoi les républicains pensent-ils que cette commission est dès le départ biaisée ?
Françoise Coste : Pour l’instant, deux républicains figurent au sein de cette commission d’enquête. Ils ont été choisis par la démocrate Nancy Pelosi, et non proposés par leur propre parti. Adam Kinzinger et Liz Cheney sont deux républicains au profil particulier : ils ont rompu avec leur parti. Après le 6 janvier, ils ont explicitement mis en cause Donald Trump et à la Chambre, ils ont fait partie de la dizaine d’élus républicains qui a voté pour le destituer. Cela n’a pas suffi, bien entendu, mais symboliquement, c’était un geste très fort. Pour les républicains, et ils n’ont pas tort d’un point de vue politique, la commission ne sera pas bipartisane. C’est pourquoi, jusqu’à la fin des travaux de cette commission, jusqu’à la publication du rapport, les Républicains diront que c’est inacceptable, qu’il ne faut pas écouter cette commission.
D’abord, Nancy Pelosi avait proposé au départ une commission d’enquête indépendante, sans républicains, ni démocrates, seulement des experts. Mais les républicains l’ont refusée. D’emblée, il était clair que les républicains voulaient saboter la commission d’enquête. Comment la saboter de l’intérieur ? En proposant des membres dont la candidature soit inacceptable : Jim Banks et Jim Jordan, très proches de Trump. Il y a de très fortes chances qu’ils soient tous les deux convoqués comme témoins par la commission d’enquête. Or, par définition, on ne peut pas être juge et partie, et c’est pour cette raison que Nancy Pelosi a rejeté ces deux noms. Les républicains savaient qu’elle dirait non. C’était donc prémédité pour qu’ensuite, ils puissent s’en prendre à Nancy Pelosi, dénoncer une manipulation par les démocrates ; expliquer que cette commission était à charge contre Trump et contre les républicains. La raison pour laquelle les républicains n’ont donné aucune chance à cette commission, c’est qu’ils savent très bien que toute commission d’enquête honnête conclura à la responsabilité de Donald Trump [dans les événements meurtriers du Capitole].
Selon vous, que peut alors donner, à terme, cette commission, quel est son but ?
Le plus intéressant à attendre, ce ne sont pas les conclusions politiques de cette commission car, on le sait d’avance, les républicains vont les rejeter. Mais cette commission peut à terme proposer une explication claire, minute par minute, de ce qui s’est passé, comprendre ainsi comment on a frôlé un coup d’État. Cela constitue un intérêt pour les historiens, mais aussi pour la population, pour qu’elle se rende compte à quel point on est passé près de la catastrophe et que c’est Donald Trump qui en porte la responsabilité et personne d’autre. L’intérêt de la commission, c’est aussi en quelque sorte de marquer le début de la campagne présidentielle pour 2024. On a l’impression que c’est très loin, mais si la commission mène à bien son travail, l’espoir des démocrates, c’est d’empêcher Trump de se représenter. Les démocrates n’auront pas réussi à le destituer fin janvier, mais peut-être réussiront-ils à le mettre en cause, sur des faits tellement choquants, qu’il ne pourra pas se représenter en 2024.
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